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L’épiscopat francais critique deux livres

(La Croix) La Commission doctrinale de l’épiscopat français publie une mise au point concernant les ouvrages sur Marie de Jacques Duquesne et du théologien Dominique Cerbelaud

La chose est assez rare pour faire événement : la Commission doctrinale des évêques de France a rendu publics deux documents mettant en cause le contenu de livres récents consacrés à Marie. Cette instance formée de sept évêques et présidée par Mgr Jean-Louis Bruguès (Angers) – a pour mission d’« informer et documenter » les membres et les instances de l’épiscopat « sur toute question doctrinale qui lui est proposée et dont elle estime devoir se saisir ».

Une mission « en interne », donc, qui ne produit qu’exceptionnellement des textes publics. C’est ce qui vient d’avoir lieu. Fin novembre, après une mise au point de Mgr Bruguès devant l’assemblée plénière de Lourdes, le site de la Conférence des évêques de France (www.cef.fr) a publié une « note doctrinale » et un « résumé de l’analyse critique » sur le livre Marie, du journaliste Jacques Duquesne, paru cet été aux éditions Plon.

Cette mise au point portait aussi sur l’ouvrage "Marie. Un parcours dogmatique", publié il y a un an par Dominique Cerbelaud dans la prestigieuse collection « Cogitatio fidei » des éditions du Cerf (1). Cette maison dominicaine accueillait l’œuvre de longue haleine d’un théologien dominicain après qu’elle avait été soumise à l’expertise de deux confrères et sa publication validée par le supérieur de la province « de France », au sein de laquelle le P. Cerbelaud œuvre actuellement, alors qu’il est issu de celle « de Toulouse », dont le P. Bruguès a été le provincial.

Un contenu jugé "susceptible de troubler la foi de beaucoup"

Mais dans le liminaire de la note doctrinale publiée sur ce livre, le président de la Commission précise qu’elle veut en analyser le contenu « sans aucune considération de personne ». Un contenu jugé « susceptible de troubler la foi de beaucoup » : comme le disait déjà un communiqué personnel de Mgr Bruguès, ce livre, « dans le style de la théologie scientifique, […] ne fait en réalité que fournir le gros des arguments de la thèse de M. Duquesne ». D’où, sans doute, la décision de rendre la note publique.

Que reproche-t-on à Dominique Cerbelaud ? Essentiellement sa méthode : il aborde les textes de l’Écriture et du Magistère sur Marie en les isolant les uns des autres, « sans lien avec la doctrine chrétienne globale, comme des pièces détachées d’un ensemble ». Or, selon la note de l’épiscopat, ils ne prennent leur sens qu’en s’éclairant mutuellement.

Faute de quoi, l’approche « positiviste » de l’auteur le prive « de dépasser le stade de l’“explication” pour entrer dans celui de la “compréhension” ». Et il réduit les dogmes à leur « genèse externe » (leurs contenus isolés et le contexte de leur élaboration : éloge de la chasteté, idéal féminin d’un clergé célibataire…), au détriment de « l’unité interne » des éléments qui les ont constitués.

"Etroitesse méthodique"

Outre cette « étroitesse méthodique », la note épiscopale fait grief au P. Cerbelaud de focaliser son étude sur la conception virginale de Jésus par Marie : elle juge « hautement contestable » l’idée que cet énoncé « tient l’ensemble du dogme marial », et voit bien plutôt la maternité divine comme affirmation essentielle de la mariologie catholique.

Les évêques perçoivent ainsi dans ce livre un « sophisme », « selon lequel d’une part la conception virginale n’est pas indispensable à la pleine divinité de Jésus et d’autre part n’est pas compréhensible dans le cadre des connaissances dont nous disposons quant à la génétique humaine ».

Au total, le théologien dominicain ne se voit pas condamné par l’épiscopat, lequel reconnaît qu’il « n’a pas tort d’attirer l’attention sur certains excès possibles » de la dévotion ou de la réflexion sur Marie. Mais on déplore son « idéologie soupçonneuse ». Et la note doctrinale conclut : « La critique la plus drastique de la prédication et de la vie chrétiennes est moins à tirer de reconstitutions hasardeuses de la psychologie des générations passées ou présentes, mais bien davantage de la foi elle-même et de la proclamation du mystère pascal. » Joint par La Croix, le P. Cerbelaud n’a pas souhaité réagir dans nos colonnes à cette mise en cause publique de sa théologie.

(1) Lire les recensions de ces livres dans La Croix du 5 février et du 12 août 2004.

Michel KUBLER (La Croix)