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L’encyclique de Paul VI, Humanae vitae, plus actuelle que jamais

Il y a 40 ans, Paul VI publiait son encyclique Humanae Vitae. Contestée et incomprise au moment de sa publication, cette encyclique semble pourtant contenir un message très important pour la société actuelle. Zenit a demandé à Pierre-Olivier Arduin, directeur de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon, d’analyser ce message.

Pierre-Olivier Arduin est également chroniqueur société pour La Nef et directeur des études du master bioéthique Jérôme Lejeune, www.iplh.fr. Il a publié La bioéthique et l’embryon, avec une préface de Mgr Rey, aux Editions de l’Emmanuel, en 2007.

Zenit - En recevant les participants d’un congrès international promu par l’Université du Latran à l’occasion du 40e anniversaire de la publication d’Humanae vitae, Benoît XVI a rappelé qu’elle est apparue à l’époque comme « un signe de contradiction ». Comment expliquez-vous l’hostilité dont elle a fait l’objet dès sa promulgation ?

P.-O. Arduin - Evelyne Sullerot, féministe historique et fondatrice du Planning familial en France, reconnaissait il y a peu de temps que « la véritable révolution de Mai 68 fut la dissociation de la sexualité et de la procréation ». La tempête contestataire de cette époque porta en effet au pinacle la libération sexuelle conduisant à une régression inédite des rapports entre l’homme et la femme à la pure corporéité. La pilule contraceptive sera le redoutable instrument technique qui rendra effective l’idéologie en marche. Résultat : la femme fut réduite à sa génitalité dans un assujettissement sans précédent. Les acquis intellectuels de la révolution sexuelle et la recherche pharmaceutique se renforcèrent mutuellement jusqu’à entraîner une déflagration telle, qu’elle « marqua la vie de générations entières » selon l’analyse de Benoît XVI. Or, en mettant le doigt sur la différence anthropologique fondamentale qui existe entre la contraception et le recours aux rythmes périodiques du cycle féminin, ce que Benoît XVI appelle « le respect des temps de la personne aimée », Humanae vitae heurte de plein fouet le modèle subversif de sexualité comme consommation. Les tenants de la révolution ne pardonneront pas à Paul VI d’avoir contrecarré leur projet.

Zenit - Concrètement, qui s’est rebellé contre cette Encyclique ?

P.-O. Arduin - Des scientifiques catholiques de renom se sont rebellés lorsque Paul VI a rendu publique son Encyclique le 25 juillet 2008. Parmi eux se trouvaient les pionniers du mouvement bioéthique né au même moment aux Etats-Unis. Daniel Callahan, fondateur du Hastings Center, une des institutions phares de la bioéthique américaine, publiera dès 1969 un brûlot à l’encontre des thèses d’Humanae vitae. Même réquisitoire chez André Hellegers - qui fut vice-président de la commission pontificale sur la régulation des naissances de 1964 à 1966 -, à l’origine de la fameuse école de Georgetown qui domine aujourd’hui sans partage les discussions bioéthiques à l’échelle de la planète. Principe d’autonomie de l’individu, refus d’une vérité morale objective, théorie du moindre mal, relativisme éthique en sont les soubassements intellectuels. La nouvelle discipline bioéthique s’est construite dès le début dans une attitude de confrontation avec l’enseignement de l’Eglise telle une vaste hérésie postmoderne qui dissout les principes de la loi morale naturelle. D’où la prolifération actuelle de recommandations, résolutions ou législations attentatoires au mariage et à la vie humaine.

Zenit - Beaucoup ont reproché à Paul VI de favoriser l’avortement en n’autorisant pas la contraception. Que leur répondez-vous ?

P.-O. Arduin - On accuse en effet Humanae vitae d’avoir acculé les parents à faire le choix immoral de l’avortement alors que la conception d’un enfant non désiré aurait pu être évitée par une pratique contraceptive. Les faits eux-mêmes contredisent cette objection. La France est en effet championne du monde du recours à la pilule tandis que l’avortement est excessivement élevé au point d’inquiéter les responsables publics : 211.000 avortements pour 768.000 naissances, soit un enfant à naître sur 5. Les observateurs n’hésitent plus à parler de norme médicale contraceptive contraignante tant l’exigence de planification et de maîtrise toute-puissante de la fécondité est forte. Conséquence : cette propension quasi irrésistible à recourir à l’avortement comme « rattrapage contraceptif » en cas de grossesse non prévue. La mentalité contraceptive, en refusant comme un mal absolu l’enfant non programmé, est le terreau culturel qui permet à l’avortement de se répandre inexorablement. Il devient la solution idéale et le moyen le plus efficace pour finaliser son projet « contraceptif ». Benoît XVI montre dans son discours que la communauté des hommes s’enferme ainsi dans un « cercle d’égoïsme asphyxiant ». Seul un « amour qui sait penser et choisir en pleine liberté, sans se laisser conditionner outre mesure par l’éventuel sacrifice demandé » est capable d’accueillir la vie. A l’encontre d’une culture qui rejette l’enfant, Humanae vitae fait le choix de l’amour et de la responsabilité à l’égard de la vie, nous dit le Saint-Père. C’est la clé de lecture de l’encyclique !

Zenit - Aujourd’hui, on semble redécouvrir la force prophétique d’Humanae vitae. Pourquoi ?

P.-O. Arduin - Sur le plan doctrinal, Humanae vitae apparaît comme l’acte fondateur de toute la réflexion morale du magistère sur les enjeux éthiques modernes. En approfondissant la nature du lien indissoluble entre les deux significations de l’acte conjugal, union et procréation, Humanae vitae porte en germe les développements prodigieux de la théologie du corps de Jean-Paul II et annonce l’Instruction Donum vitae sur la fécondation in vitro. Concernant l’aspect scientifique, les recherches des docteurs Billings sur les méthodes de régulation naturelle des naissances ont confirmé de manière fulgurante l’analyse de Paul VI. La pilule, désormais rangée dans les cancérigènes de type I, enregistre des taux d’échec qui inquiètent les pouvoirs public. Si elle pollue le corps des femmes, des études révèlent que son rejet massif dans les eaux usées modifient de proche en proche les écosystèmes eux-mêmes. Quant aux conséquences annoncées par Paul VI sur la société elle-même, nous les avons aujourd’hui sous les yeux : explosion de la pornographie et des violences sexuelles, épidémie des divorces avec un mariage sur deux qui se brise en Europe. Humanae vitae n’a jamais été aussi actuelle pour comprendre notre époque et porter remède à ses dérives dramatiques. De fait, nombreux sont ceux qui en redécouvrent la portée prophétique. L’avenir est plus que jamais ouvert pour faire sien ce trésor magistériel.

Zenit - Selon vous, que peut-on faire, concrètement, pour favoriser cette redécouverte ?

P.-O. Arduin - Benoît XVI nous donne lui-même la réponse dans la conclusion de son magnifique discours célébrant le 40e anniversaire d’Humanae vitae : « L’urgence de la formation, à laquelle je fais souvent référence, voit dans le thème de la vie l’un de ses thèmes privilégiés. Je souhaite vraiment que l’on réserve notamment aux jeunes une attention toute particulière, afin qu’ils puissent apprendre le véritable sens de l’amour et se préparent pour cela avec une éducation adaptée à la sexualité ». Le Saint-Père nous convie sans retard à un réarmement intellectuel des jeunes générations. La session d’études qu’organise du 11 au 14 juillet la Famille missionnaire de Notre-Dame dans leur maison de Sens est à ce titre providentielle pour tous ceux qui souhaitent approfondir cet enseignement et devenir à leur tour d’authentiques apôtres capables de le rayonner. Benoît XVI nous demande également de ne pas avoir peur de mettre les acteurs politiques devant leurs responsabilités : « Fournir de fausses illusions dans le domaine de l’amour (...) et de la sexualité ne fait pas honneur à une société qui se réclame des principes de liberté et de démocratie ». Humanae vitae est pour la cité des hommes, son patrimoine intellectuel est pour tous !

Lire l’encyclique : http://viechretienne.catholique.org/pape/humanum-vitae/8531-humanum-vitae